Arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne

L’arrêt aborde des questions importantes sur le transfert des déchets, telles que le concept de “valorisation écologiquement rationnelle”, et met en évidence les divergences possibles entre les États membres dans la classification des déchets mélangés.

L’autorité compétente en matière de transfert de déchets dans l’État du Bade-Wurtemberg (Allemagne) a rejeté la demande d’une entreprise allemande (Interseroh) qui collecte des emballages en papier léger usagés en vue de leur valorisation (les déchets de papier sont traités puis transférés aux Pays-Bas pour être recyclés dans une usine), de classer le mélange dans l’annexe III (liste verte des déchets) du règlement 1013/2006, (ci-après le règlement).

Le refus de cette classification était fondé sur le fait que le mélange n’était entièrement contenu dans aucun des quatre tirets du code B3020 de l’annexe IX de la convention de Bâle – à laquelle le règlement fait référence – et sur le niveau élevé d’impuretés présentes dans le mélange.

Inteseroh a contesté la décision administrative devant le tribunal administratif de Stuttgart, demandant une déclaration selon laquelle le transfert ne nécessite que le respect, comme c’est le cas aux Pays-Bas à la suite d’un arrêt du Conseil d’État, des exigences générales d’information de l’article 18 du règlement, et le tribunal administratif de Stuttgart a décidé de suspendre la procédure et de demander à la Cour de justice d’interpréter l’article 18. 3.2 du règlement, afin de préciser, premièrement, si le mélange de déchets de papier, de carton et de produits de papier peut être classé comme déchet “vert” et est donc soumis à la procédure de contrôle souple prévue dans cette disposition; et, deuxièmement, si le mélange peut être classé comme “vert” s’il contient jusqu’à 10 % d’impuretés.

L’arrêt, après une analyse exhaustive du règlement à la lumière de la convention de Bâle, à laquelle l’Union européenne est partie, et de l’objectif de protection de l’environnement et de la santé qu’il poursuit, conclut d’abord que l’article 3, paragraphe 2, sous a), du règlement ne s’applique pas à un mélange de déchets de papier, de carton et de produits de papier si chacun des types de déchets qui le composent est couvert par l’un des trois premiers tirets du code B3020 de l’annexe IX de la convention de Bâle et contient des impuretés jusqu’à 10%.

La Cour précise, en second lieu, que le point b) de cette disposition est applicable à un tel mélange à condition qu’il ne contienne pas de matières relevant du code B3020, quatrième tiret, de l’annexe IX de ladite convention et que les exigences du point 1 de l’annexe IIIA dudit règlement soient satisfaites, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier.

Nous soulignons les éléments suivants :

L’article 3, paragraphe 2, du règlement n L’article 3, paragraphe 2, du règlement n° 1013/2006 dispose que les transferts de déchets destinés à être valorisés dans lesquels la quantité de déchets transférés est supérieure à 20 kg sont soumis aux exigences générales d’information prévues à l’article 18 dudit règlement, à condition que, d’une part, les informations soient fournies conformément à l’article 3, paragraphe 2, point a), dudit règlement, ces déchets sont notamment énumérés à l’annexe III de ce règlement, ou que, en outre, conformément à l’article 3, paragraphe 2, point b), de ce règlement, les mélanges de deux ou plusieurs déchets énumérés à l’annexe III qui ne sont pas classés sous une seule rubrique de cette annexe sont d’une composition qui ne nuit pas à leur valorisation écologiquement rationnelle et sont énumérés à l’annexe IIIA du règlement n º 1013/2006.

Ainsi, tout d’abord, il ressort de la structure du code B3020 de l’annexe IX de la convention de Bâle et du libellé des quatre tirets de ce code que ce dernier inclut différents types de déchets et de rebuts de papier ou de carton, sans parler des mélanges de déchets relevant de ces différents types.

Toutefois, le fait que les transferts de déchets destinés à des opérations de valorisation et mentionnés dans la liste verte de déchets figurant à l’annexe III du règlement n° 1013/2006 soient généralement exclus, à titre exceptionnel, de la procédure de notification et de consentement écrits préalables prévue au titre II, chapitre I, dudit règlement s’explique par le fait que les transferts de ces déchets présentent moins de risques pour l’environnement, ce qui permet, comme indiqué au considérant 15 dudit règlement, d’imposer un niveau minimal de surveillance et de contrôle en exigeant que ces transferts soient accompagnés de certaines informations.

Dès lors, l’objectif de protection de l’environnement et de la santé humaine poursuivi par le règlement n° 1013/2006 s’oppose à ce que le code B3020, reproduit à l’annexe V, partie 1, liste B, dudit règlement, soit interprété de telle manière que les mélanges qui ne sont pas expressément couverts par ce code soient soumis aux exigences générales d’information prévues à l’article 18 dudit règlement, qui sont moins strictes que celles prévues dans le cadre de la procédure de notification et de consentement écrits préalables prévue à l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement.

Il résulte, tout d’abord, du libellé du point 1 de l’annexe III A du règlement n° 1013/2006 qu’un mélange de déchets visés dans la liste figurant dans cette annexe n’est pas exclu de cette liste au seul motif qu’il contient des impuretés en plus des déchets expressément mentionnés dans cette liste. Comme l’a souligné l’avocat général au point 53 de ses conclusions, l’existence de ce point 1 montre que le législateur européen était conscient de la difficulté technique, voire de l’impossibilité, de garantir la pureté totale d’un flux de déchets.

En outre, l’exigence du point 1(b) de l’annexe IIIA du règlement n° 1013/2006 fait référence à l’exigence de “valorisation écologiquement rationnelle”. Bien que cette notion ne soit pas expressément définie dans ce règlement, il convient néanmoins de souligner que, comme la définition de la notion de “gestion écologiquement rationnelle” figurant à l’article 2, paragraphe 8, de ce règlement, la valorisation écologiquement rationnelle des déchets désigne toute mesure pratique visant à garantir que les déchets sont valorisés d’une manière qui protège la santé humaine et l’environnement contre les effets néfastes que ces déchets peuvent avoir.

Dans ce contexte, il convient de rappeler que, conformément à l’article 49, paragraphe 1, du règlement n° 1013/2006, en liaison avec le considérant 33 dudit règlement, les déchets doivent être transférés vers le pays de destination sans mettre en danger la santé humaine et sans utiliser de procédés ou de méthodes susceptibles de nuire à l’environnement pendant toute la durée du transfert. À cet égard, lorsque le transfert a lieu à l’intérieur de l’Union, l’article 49, paragraphe 1, de ce règlement impose le respect des exigences prévues notamment à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2006/12, dont les dispositions sont reprises à l’article 13 de la directive 2008/98, selon lesquelles les déchets doivent être valorisés sans risque pour l’eau, l’air, le sol ou la faune et la flore, sans causer de nuisances sonores ou olfactives et sans porter atteinte aux paysages ou aux sites présentant un intérêt particulier.

Plus précisément, en cas d’adoption de tels critères, les États membres devraient tenir compte du fait que l’application de la procédure relative aux exigences générales d’information, prévue à l’article 18 du règlement n° 1013/2006, constitue une dérogation à l’application de la procédure générale de notification et de consentement écrits préalables prévue à l’article 3, paragraphe 1, dudit règlement. Par conséquent, l’article 3, paragraphe 2, de ce règlement, et notamment son annexe III A, qui précise le champ d’application de cette dernière disposition, doit, en principe, être interprété de manière stricte.

Toutefois, il convient d’observer, en premier lieu, qu’en l’absence de tels critères, les autorités nationales compétentes ont la possibilité de procéder à une évaluation au cas par cas afin de garantir, dans le respect des objectifs poursuivis par ledit règlement, son application effective, compte tenu du fait que ce règlement prévoit expressément la possibilité d’appliquer aux mélanges de déchets la procédure d’information prévue à son article 18.

En revanche, si les autorités nationales compétentes ont des doutes quant à la possibilité de valoriser le mélange de déchets en question d’une manière écologiquement rationnelle, au sens de l’annexe III A, point 1 b), dudit règlement, afin d’assurer un niveau adéquat de protection de l’environnement et de la santé humaine, ces autorités doivent appliquer la procédure générale de notification et de consentement écrits préalables prévue à l’article 3, paragraphe 1, dudit règlement.

Enfin, il convient de souligner que, comme l’a souligné l’avocat général au point 74 de ses conclusions, tant qu’une initiative législative visant à établir des critères communs relatifs au type et au pourcentage de contamination tolérable des mélanges de déchets par des impuretés – critères qui permettraient d’appliquer uniformément dans toute l’Union l’exigence prévue au point 1, sous b), de ladite annexe – l’article 28, paragraphe 2, dudit règlement peut s’appliquer. En vertu de cette disposition, lorsque les autorités de l’État membre d’expédition et celles de l’État membre de destination ne peuvent pas s’entendre sur la classification d’un transfert de déchets et, par conséquent, sur la possibilité d’appliquer la procédure relative aux exigences générales d’information prévues à l’article 18 de ce règlement, les déchets en question doivent être considérés comme relevant de l’annexe IV de ce règlement. En conséquence, ils sont soumis à la procédure de notification et de consentement écrits préalables prévue à l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1013/2006.

En l’espèce, il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer, à la lumière des éléments exposés ci-dessus, si, dans l’affaire au principal, la présence d’impuretés dans le mélange de déchets en cause implique, au regard des conditions prévues à l’annexe III A, point 1, du règlement n° 1013/2006, qu’il y a lieu de tenir compte du fait que les déchets en cause ne sont pas couverts par l’annexe IV de ce règlement. No 1013/2006, ce mélange ne peut pas être classé dans la liste des mélanges de déchets figurant dans cette annexe et, par conséquent, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, point b), de ce règlement, il ne peut pas être soumis aux exigences générales d’information au sens de l’article 18 de ce règlement.

Commentaire de l’auteur Inmaculada Revuelta Pérez. Professeur de droit administratif à l’université de Valence:

L’arrêt aborde des questions importantes sur le transfert de déchets, par exemple le concept de “valorisation écologiquement rationnelle”, qui figure dans le règlement (annexe III) mais n’est pas défini et met en évidence les divergences possibles entre les États membres dans la classification des mélanges de déchets. La Cour de justice reconnaît une large marge d’appréciation aux États pour adopter des critères sur la présence d’impuretés dans les mélanges, tant qu’il n’existe pas de règles communes, mais rappelle que la procédure de l’article 18 (exigences générales d’information), plus souple, doit être interprétée de manière stricte, car elle constitue une exception à la procédure générale de l’article 3, paragraphe 1, du règlement (notification et consentement préalables).

L’arrêt complet est disponible sur le lien suivant : Arrêt C-654/18 de la Cour de justice du 28 mai 2020